Épisode 162 – Après la création des premiers espaces verts dans la zone industrielle, les travaux sur la végétation se poursuivent avec la fabrication d’arbres « Home made ». Premiers essais.
Une zone industrielle des années 60 est souvent synonyme de grisaille. Contrairement aux zones d’activité modernes où prédominent les hangars standardisés aux bardages colorés, aux larges baies vitrées, aux grandes enseignes lumineuses lisibles de loin, aux éclairages puissants et aux arbres plantés avec une rectitude d’une monotonie artificielle, la banlieue ouvrière de l’époque était plutôt marquée par des bâtiments cuivrés et grisonnants baignés d’une lumière blafarde, parfois égayée par la vitrine d’un estaminet ou l’enseigne clignotante d’un modeste hôtel, louant au mois des chambres aux travailleurs saisonniers ou expatriés. C’était l’âge d’or de l’industrie française avant qu’elle ne soit sacrifiée sur l’autel de prédateurs capitalistes à l’insatiable cupidité. Dans ces banlieues, qualifiées de « rouge » par la classe moyenne en référence au vote communiste qui prédominait dans ses populations ouvrières, les espaces verts n’étaient pas une priorité politique. Rouges et Verts n’étaient pas encore en symbiose.
Photo 1045 : La cour de la Société Laure Noirt dans la ZI Nord. Source : letraindemanu.fr
Dans ZI Nord, je souhaite retracer cette tranche de vie, celle du plein emploi. Ces lieux d’activités bruyantes et bouillonnantes d’agitation, avec leurs ouvriers transitant par des gares de banlieue, s’enfilant leur petit noir avant d’aller à l’atelier tôt le matin ou leur petit jaune en en sortant tard le soir, pauses rythmées par le son des sirènes marquant la trêve méridienne ou la fin de journée dans les usines, les va-et-vient de camions bruyants – et fumants – livrant des pièces ou chargeant des produits finis, le brouhaha des machines dans de vastes usines ou des ateliers étriqués, mais toujours mal insonorisés. A cela s’ajoutaient des camelots parfois accompagnés du bruit des sabots. On y trouvait enfin des familles, souvent paupérisées et habitant de modestes appartements sans grand confort, dont les épouses faisaient leurs courses dans des commerces de proximité aujourd’hui disparus sous le joug totalitaire d’une économie dictatoriale et destructrice du tissu social. Toute une ambiance aujourd’hui révolue, dans des quartiers désindustrialisés, sauvagement bétonnés, ravagés par le chômage de masse et abandonnés par les pouvoirs politiques. C’était aussi l’âge d’or du transport ferroviaire, avec le fin maillage de ses dessertes voyageurs et la proximité de ses embranchements marchandises. Le cabotage était une fierté de notre opérateur historique qui s’enorgueillissait de cette inégalée arborescence. Nous étions à mi- période des « Trente Glorieuses », époque ou le train était la sève de notre développement économique irriguant des territoires riches de compétences et de savoir-faire réputés.
Photo 1046 : Scène de déchargement dans la cour de la Société Laure Noirt et ambiance dans la ZI Nord. Source : letraindemanu.fr
L’exposition de Saint-Mandé approche, je reviendrai donc prochainement sur cette ambiance si particulière, si attirante voire attachante, avec la construction de nouveaux bâtiments, de logements en particulier dans cette ZI Nord. Un hôtel y est envisagé. Nos créateurs hexagonaux nous proposent de jolis produits en ce domaine et j’ai quelques projets.
Des arbres
Ces villes périphériques en général et ces quartiers industrieux en particulier n’étaient pas réputés pour leur verdoiement. D’ailleurs, le hors-série n° 59 de Loco-Revue qui, sous la direction de Daniel Aurilio et préfacé par Denis Fournier Le Ray, est consacré au thème approprié et titré « atmosphère ferroviaire en banlieue industrielle », pourtant richement iconographié, ne comporte finalement que très peu d’images avec des arbres. En témoigne l’illustration (photo 1085 ci-dessous extraite du HSLR59) de Didier Lemaitre datée de juin 01 et qui ne laisse trace d’aucun feuillu. Il faut parvenir à la page 38 de cet indispensable HS pour qu’on aperçoive la photo d’un arbuste discrètement masqué par une palissade en bois. Les herbes folles et surtout les ronces et buissons sont assez abondants, mais les arbres ne sont pas si fréquents.
Photo 1047 : Ambiance ferroviaire en banlieue industrielle, iconographie de Didier Lemaitre 01.06, extraite du HS n°59 de Loco-Revue.
Deux premiers arbres ont été plantés dans ZI Nord. Ce sont des arbres de marque FR (réf 3351) achetés lors ma visite à Paris-Modélisme. Achat » coup de cœur » – un directeur marketing le qualifierait sans doute d’ » achat d’opportunité » – essentiellement pour masquer le départ en coulisse Est derrière le bâtiment du négociant en combustibles « Laure Noirt ».
Le budget de la Compagnie Industrielle et Commerciale étant particulièrement contraint, cela implique des choix et surtout oblige à un minimum d’astuces pour progresser dans les travaux sans grever d’autres postes de dépenses incompressibles (matériel roulant). Ainsi, la menuiserie a-t-elle été réalisée essentiellement avec du bois de récupération aux encombrants – c’est fou ce que l’on peut y récupérer ! -, le ballast est composé de vrai sable du canal de l’Ourcq, les terrains de terre véritable, certains bâtiments construits intégralement,…
Dans cet esprit de débrouillardise, les arbres peuvent être aussi source d’économie. Certes, nous avons bien des créateurs renommés qui, tels Sylvia ou Arboris miniature, proposent de très beaux produits. Mais cette qualité artisanale a un coût que ma trésorerie ne peut tout simplement pas supporter. Quant aux arbres de nos industriels, leur qualité est très variable. Je vais donc tenter, puisqu’il s’agit là de ma première expérience en la matière, de me confectionner des arbres pour pas cher à base de thym séché. Si le résultat est concluant, ils pourront occuper une place de choix dans ma ZI Nord. Dans le cas contraire, ils se contenteront d’un arrière plan pour fermer l’un des angles du fond..
Fabrication
Parmi le thym en ma possession, je me choisis huit branches qui, par leur taille (environ 11 à 15 cm, soit 3 à 4 étages) et le volume pourrait convenir à représenter des arbres de type platane. Plantés provisoirement sur une plaque de polystyrène, je leur applique une teinte brun cacao mat pulvérisée avec une peinture en bombe. Une bombe de grande surface de bricolage suffit puisqu’une grande partie de cette peinture sera masquée par le flocage et la peinture ultérieure du tronc.
Photo 1049 : Un échantillon de branches de thym sélectionné pour ce premier essai. Source : letraindemanu.fr
Le seul flocage en ma possession pour un tel travail arboricole est un flocage Heki vert foncé (réf. 1561) et un vert clair (réf. 1560) achetés chez Maketis à l’exposition de Chelles. Il y a sur le marché de nombreuses textures aux couleurs variées, il vous faudra faire des choix. N’ayant pas de recherche spécifique, mes achats en ce domaine sont généralement guidés par des coups de cœur lors de visites en expositions. J’aime voir, toucher, questionner. Nos exposants créateurs sont des passionnés qui aiment partager leur expérience et sauront vous orienter sur un produit adapté à vos attentes. Il faut seulement veiller à bien choisir des teintes allant du marron foncé au vert clair pour garantir une certaine homogénéité saisonnière sur un même module. Y compris sur un module enneigé que l’on imagine faussement d’un blanc immaculé.
● 1ère étape : couche de base
Revenons à notre thym. Après l’avoir peint en brun cacao. Je prépare une solution de 5 ml de colle vinylique (colle à bois prise rapide) + 5 ml d’eau et 2 gouttes de liquide vaisselle. J’applique cette colle diluée sur les branches d’arbre avec un pinceau dédié à poils semi-rigides puis, au dessus d’un bac de récupération (couvercle d’une boite de chocolats pour ma part), je verse de belles pincées de flocage foncé tout en tournant l’arbre tel un poulet dans une rôtissoire. Il faut bien faire plusieurs tours en alternant la pression et le tremblement pour à la fois faire adhérer cette première couche et évacuer le surplus. Je fais cela avec quatre premiers arbres et déjà le résultat obtenu est intéressant. J’attends une journée que cela soi bien sec.
Photo 1050 : Les premières unités après la première passe de flocage collée à la colle à bois. Source : letraindemanu.fr
● 2ème étape : couche de volume
Pour cette seconde étape, je secoue mon arbre pour retirer le surplus de l’étape précédente puis je pulvérise mon arbre avec de la colle en bombe pour scrapbooking. Je le tourne alors lentement dans un bac plat et suffisamment grand, rempli de mon flocage vert foncé. A ce stade, mon feuillage prend du volume. Je laisse sécher une journée.
● 3ème étape : Couche de coloration et fixation
Je répète la même opération que l’étape précédente, mais en mélangeant à 50% le vert clair et le vert foncé. puis le tout est fixé à la laque – de coiffure -forte.
Les deux premiers arbres ainsi réalisés sont plantés dans la cour de la Société Laure Noirt : le premier, un peu plat sur une face est installé dans l’angle du hangar à charbon, ce qui me permet de masquer la jonction imparfaite du bâtiment avec le fond de décor. Le second, à l’entrée de la cour pour agrémenter la » Rue du Martyr du chat « .
Photos 1051 à 1055 : Premiers arbres faits maison plantés dans la ZI Nord. Source : letraindemanu.fr
Ces résultants encourageants m’incitent à poursuivre le verdoiement de ma zone industrielle.
Emmanuel