Modélisme ferroviaire : Toujours prévoir le déménagement de son réseau



Sur nos réseaux sociaux et nos forums, il est fréquent d’échanger avec des modélistes, débutants bien souvent, qui sollicitent nos avis pour élaborer le plan de leur futur réseau. Si, bien-souvent, je suis étonné par la simplicité, presque enfantine, de certains projets, mais c’est-là un autre sujet, je ne manque jamais d’évoquer systématiquement la problématique du déménagement futur de l’installation en gestation. Et curieusement, assez fréquemment, mes interlocuteurs semblent sceptiques, voire me répondent assez sèchement qu’ils «n’ont pas l’intention de déménager». Soit !

La vie, surtout quand on débute le modéliste ferroviaire très jeune, réserve d’agréables surprises, heureusement : une nouvelle vie étudiante, la fondation d’une famille, la naissance ou l’adoption d’enfants, une carrière professionnelle mouvementée, sont autant de situations qui obligent à déménager dans des lieux de vie parfois plus petits ou, s’ils sont plus grands pour accueillir plus de monde, n’en réduira pas moins la place consacrée au train miniature.

La vie c’est aussi des surprises bien plus désagréables, d’autant qu’elles sont parfois brutales : une mutation professionnelle, un accident de la vie, la maladie, parfois aussi des recompositions familiales non désirées sont autant de situations qui impliquent des relogements dans des habitats plus exigus, et parfois dans l’urgence.

Pour autant, ces situations n’ont pas vocation à nous détourner de notre passion, même s’il est parfois nécessaire de revoir nos prétentions à la baisse. Bien au contraire ! Dans de telles situations notre passion est génératrice de ressourcement et d’évasion.

Certes, on peut, et on doit, pratiquer un modélisme ferroviaire raisonnable pour le bon équilibre de nos finances familiales. C’est vrai, rien ne nous oblige à nous jeter sur toutes les onéreuses nouveautés.

Mais, même dans un exercice modéré et sage, notre réseau représente un véritable investissement financier. Je ne parle pas ici du matériel roulant, mais seulement de la structure-même de l’installation, de la voie (dont les aiguillages et leur moteur) et du décor. Heureusement, ces dépenses sont généralement étalées dans le temps, ce qui, au demeurant, nous fait oublier parfois le coût total.

Un petit réseau personnel, même avec seulement quelques voies, représente un investissement financier non négligeable et dont il convient d’envisager, dès le début, la pérennité.

Au-delà de l’aspect financier, ne négligeons pas non plus le temps consacré à cette réalisation. Le modélisme ferroviaire, ce sont des dizaines, parfois des centaines, d’heures cumulées passées à élaborer notre œuvre. Entre la construction de la menuiserie, la mise en place des circuits électriques, la pose de la voie, la confection d’un décor soigné, le montage de maquettes, … Ce temps représente un engagement qu’il ne faut en aucun cas déprécier pour cause de négligences à la conception.

D’autres interlocuteurs ne se démontent pas, si j’ose cette expression, en rétorquant qu’en cas de besoin, ils revendront leur réseau pour en construire un autre.

C’est une bien mauvaise option ! Un réseau ne se revend jamais à bon prix et ce pour d’innombrables raisons :

  • La pièce de l’acheteur n’a pas les mêmes dimensions que celles du vendeur
  • Le tracé est imposé par le vendeur et ne correspond pas aux attentes d’un acheteur potentiel
  • La qualité de la réalisation n’est pas satisfaisante
  • le prix de vente est toujours surévalué voire disproportionné par le vendeur
  • Le prix de vente effectif sera toujours inférieur au coût de sa construction. Le vendeur vend toujours à perte.

Et si le réseau n’a pas été construit dans l’optique de le déménager, il sera de toute façon compliqué de le démonter pour le transporter chez un potentiel acquéreur.

Lorsqu’on évoque le déménagement, l’interlocuteur pense immanquablement aux modules vus dans les expositions. Même si ces réseaux sont, par nature, transportables relativement aisément, un réseau déménageable n’est pas obligatoirement un réseau répondant à des normes modulaires, qui sont nombreuses par ailleurs, avec les contraintes de tracé qui nous sont connues.

Un réseau déménageable doit avant tout être un réseau démontable par morceaux afin qu’il puisse passer par une porte, une fenêtre et dans des escaliers.

Cela implique un découpage dimensionnel compatible avec ces ouvrants mais aussi nécessite d’être aisément porté au plus par deux personnes. La taille des morceaux mais aussi le poids doivent donc être prévus dès la conception. Le bois, c’est lourd !

De même, la structure doit être conçue pour un démontage sans devoir détruire le décor. Cela exclut d’emblée les structures de bric et de broc, construites avec impatience et négligence, ou par soucis d’économies.

J’ai commencé le modélisme en 1975, au Noël de mes 10 ans. J’ai eu une vie professionnelle passionnante mais mouvementée, puis des soucis de santé impliquant plusieurs déménagements, sans parler des dégradations socio-économiques.

J’ai donc construit de nombreux réseaux et beaucoup n’ont pas survécu à cette vie trépidante.

Dès lors, lorsqu’en 2013 j’ai atterri dans mon nouveau logement HLM, je savais d’emblée que mon nouveau réseau devait être transportable. On espère, à la retraite de mon épouse, pouvoir quitter définitivement cette poubelle qu’est la Seine-Saint-Denis.

En 2017 donc, quand j’ai repris de zéro le modélisme ferroviaire, je suis parti dans l’idée d’un réseau déménageable. En m’inspirant de la célèbre « Rue de Suède » de Yann Baude, j’ai élaboré un premier module titré « ZI Nord » (ici en vidéo). J’ai poussé les dimensions à 200x40x50 (Lxlxh). Avec façade en plexi, coffrage et toiture. Après trois ans et demi de boulot, je me suis certes retrouvé avec un très joli module, mais totalement intransportable ! Surtout quand tu habites en étage sans ascenseur. 200 cm de long, c’est tout simplement trop long. Et en caisson complet, c’est tout simplement trop lourd. Alors que certains de mes lecteurs m’incitaient à le présenter en expo, je me suis alors rendu compte qu’il n’était même pas déménageable.

En 2020, alors que je réalisais que ZI Nord allait être compliquée à transporter, j’ai attaqué la construction d’un module complémentaire type dépôt. J’ai donc opté pour un encombrement plus réduit. Environ 130×45, Mais toujours en caisson. C’est certes plus confortable à trimbaler, mais ça reste lourd.

Quant à mon module d’angle enneigé, par soucis de bricolage économique et d’imprévoyance, je ne l’ai pas terminé. Et tant mieux. Car, quand il a fallu le démonter, j’ai du détruire une grande partie du décor.

La conclusion : j’avais mal préparé le transport du réseau. Cela m’a couté un peu d »argent mais j’ai surtout perdu beaucoup de temps.

Partant de ce constat, j’ai tout démonté. La plupart du décor a été sauvé grâce au Dépron : bâtiments, personnages, véhicules, signaux,… presque tout à pu être récupéré sans casse. J’ai perdu la voie et de la végétation. C’est une moindre casse. Mais c’est surtout beaucoup de temps gaspillé. Et le temps, ça ne se récupère jamais.

Si je pratique un modélisme raisonnable, j’ai décidé de ne plus faire l’économie de la structure pour le nouveau réseau, ce qui en soit est un vrai investissement pour un modélisme durable.

La menuiserie a été achetée neuve ainsi que toute la quincaillerie. Le contreplaqué de 10mm est un bon compromis entre robustesse et poids. On oublie l’aggloméré ! C’est ce bois dont sont faits tous nos meubles pourris à usage unique vendus par les grandes enseignes capitalistes : c’est lourd, très lourd. Et ca se travaille mal. C’est tellement pourri que nos trottoirs urbains sont envahis de tous ces déchets. Un vrai gaspillage. Nous, modélistes ferroviaires, on donne dans la consommation durable. Le médium peut être une alternative, mais c’est plus lourd que le contreplaqué. Un peu plus cher aussi.

Les modules ne doivent pas excéder 100/120cm de long et 50/60cm de large. Leur juxtaposition en longueur et largeur permet alors toutes les configurations.

Prévoir le déménagement de son réseau, c’est aussi prévoir son installation future dans une pièce aux dimensions forcément méconnues. Il est donc raisonnable de se concevoir une norme qui puisse aisément permettre une reconfiguration différente. Moins long, plus large, avec des ouvrants différents. Plus les modules sont compacts, plus on complique la construction de la structure, plus on augmente son budget, mais plus l’adaptation future sera économique.

Ainsi, ma petite gare est construite en quatre modules de 58×32. Le jour où je déménagerai, il me suffira de les fixer les un sur les autres sur des tasseaux pour pouvoir les transporter.

De même pour ma future annexe traction : Les deux modules de mêmes dimensions 103×50 pourront être fixés, l’un au dessus de l’autre, sur deux panneaux latéraux.

Un réseau modulaire n’interdit pas plusieurs niveaux. Une boucle hélicoïdale de 100×100 cm reste transportable pour peu qu’elle soit bien conçue en deux éléments de 100×50.

Des rampes, des pentes sont modulables dès lors qu’elles sont conçues à base de tiges filetées qui permettent un réglage fin.

Si l’option du réseau tour de pièce présente de très nombreux avantages, nombreux sont ceux qui veulent un réseau monolithique central dans leur pièce. Là encore un réseau monolithique reste déménageable s’il est prévu par morceaux juxtaposés. Plutôt que de construire un réseau de 240×140, construisez quatre modules : Deux modules centraux encadrés par deux modules latéraux.

Autre avantage de ce type de construction : avec des diviseurs scéniques, chaque module peut avoir un thème différent ce qui permet de varier les sujets sur une même surface et donc de varier les plaisirs.

En conclusion, n’oubliez jamais que votre réseau est un véritable investissement. Il doit pouvoir vous suivre partout dans le futur. Il faut donc prévoir son transport.

Le léger surcoût d’une construction modulaire sera immédiatement rentabilisé dès le premier transport.

Emmanuel

4 commentaires

  1. Cher Emmanuel,

    Cet article sur ce sujet peu abordé, le caractère démontable des réseaux, est des plus intéressants pour les modélistes ferroviaires… Mon troisième réseau monobloc construit après un déménagement, l’actuel, a dû être démonté en raison de l’affaissement du sol du rez-de-chaussée où il était en construction depuis à peine trois ans… Et trente ans plus tard, le plafonnage doit être refait… Le réseau est constitué de deux panneaux de base de 2 mètres de long juxtaposés et surmontés chacun de deux panneaux de 2 mètres de long également correspondant aux deux niveaux visibles. Ces panneaux relativement lourds pourraient à nouveau être provisoirement entreposés verticalement dans un réduit voisin, toutes les maquettes étant amovibles et les lampadaires et signaux lumineux au moins inclinables… Par ailleurs, une autre pièce envisageable pour le remontage du réseau n’a que 3,85 mètres de long… A la réflexion, trois modules de 120 ou 125 cm de long auraient été plus adéquats : un module pour la courbe et le grill d’aiguillages à une extrémité de la gare, un module pour les voies parallèles rectilignes et un module pour la courbe et le grill d’aiguillages à l’autre extrémité de la gare… Modules plus légers et plus courts qui ne nécessiteraient pas l’utilisation d’une camionnette pour leur transport…

    Bonne continuation !

    Georges

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    1. Bonjour Georges,

      Effectivement quand on construit un réseau on a généralement trois défauts : on voit la structure trop grande, on n’envisage pas qu’un jour il faille le transporter et les plans de voies sont souvent surchargés.

      Le bois c’est lourd, plus encore avec un décor.

      Donc, que notre œuvre soit un réseau tour de pièce, un réseau monolithique ou un diorama, mieux vaut, dès le départ le tronçonner en modules qui n’excèdent pas le mètre en longueur et les 60cm de large. A ce propos, je déconseille les caissons fermés. Mieux vaut un fond de décor amovible par boulons, et une toiture démontable, là encore en prévision du déménagement.

      Le bois idéal, c’est le contreplaqué de 10mm. c’est léger, facile à travailler et propre, contrairement à l’aggloméré qui est une vraie daube (C’est bien pour cela que les grandes chaines capitalistes de l’ameublement low-cost utilisent ce dernier).

      En tout cas, merci de ta fidélité sur ces pages.

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  2. Bonjour MANU,je viens de lire ton sujet tres interessant,,et ma foi je fais un réseau modulaire aussi, et oui je pense aussi au déménagement et je ne pense pas à ballaster les voies ,car en plus ,voulant les récupérer après l’avoir démonter 1 première fois,je n’ai pas pu,la voie avait gardé sa forme désirée,la colle rentre par capillarité sous les traverses,j’ai essayé avec de l’eau chaude et du produit vaisselle,mais échec et mat,bref en tous cas commme tu dis ,notre hobbie nous coûte cher,et c’est vrai que le ferromiserabilisme est long et dés fois décourageant,ton sujet est en alertera plus d’un,avant qu’ils ne lancent dans cette VOIE,sans jeu de mots,Bonne continuation à toi.Amicalemment

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    1. Bonjour

      Pour ce qui concerne la pose de la voie, une sous couche de Depron est efficace avec une voie collée à la colle vinylique (colle blanche). Pour décoller, il suffit de pulvériser du lave vitre pour récupérer les coupons. Le reste de ballast se décolle ensuite dans de l’eau chaude savonneuse. Un bon séchage, et tes coupons sont comme neufs.

      Bien-sûr, cela n’est pas possible si la voie a été collée à la néophyte.

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