Épisode 49 – Hommage à nos épouses. Il m’est apparu de bon aloi de rendre hommage nos épouses et compagnons. Dans notre époque néo-moderne post Taubira, ce billet concerne in fine celle ou celui qui partage notre vie envahissante de modéliste, sans distinction de sexe, d’âge et de filiation.
Le modélisme ferroviaire, s’il a de nombreux points communs avec d’autres formes de maquettisme dont le budget exorbitant que nous y consacrons, présente néanmoins une particularité qui lui est spécifique : Son envahissement spatial. Car, quelle que soit la taille de notre maquette, simple diorama ou réseau imposant, elle est toujours disproportionnée par rapport à l’espace familial commun disponible.
Photo 169 : L’épouse de l’auteur avec Blacky, notre amour de chien, à Léon (France, Landes 40) en août 2016. Source : letraindemanu.fr
Le modéliste ferroviaire, un animal spatiovore
Le modéliste ferroviaire est un animal particulièrement doué pour exploiter tous les volumes dont il dispose. C’est généralement un fin négociateur prêt à user de tous les subterfuges pour agrandir son territoire. Car, si le modéliste a une imagination débordante, c’est avant tout pour explorer au mieux tout l’espace disponible avec une vision tridimensionnelle acerbe en vue d’une conquête ultérieure.
Qu’il aire dans un modeste studio perché en haut d’une tour HLM de dix-sept étages ou qu’il niche dans un cossu pavillon de banlieue, le modéliste a un don d’ubiquité débordant. Avec une imagination à nulle autre pareille, il a une faculté d’adaptation incommensurable. Sitôt qu’on lui attribue un espace de vie, il dispose d’une capacité de prospection dont seuls sont dotés ses congénères. Dès lors, son objectif permanent est de conquérir de nouveaux territoires afin d’assouvir sa soif d’espace.
Si la présentation de l’animal peut prêter à sourire dans cette forme d’approche documentaire, il ne faut point se méprendre : la bête à priori domestiquée conserve en elle des instincts sauvages pour agrandir sa tanière. Si la plupart des espèces d’Europe occidentales affectionnent les greniers et les caves principalement, certaines s’installent dans le jardin, de préférence près des rocailles et autres talus. D’autres n’hésitent pas à solliciter l’intervention d’une grue de trente tonnes, histoire d’installer un container sur 20m2 de gazon disponible. La créature dispose donc de toutes les facultés d’adaptation à n’importe quelle pièce d’un logement, y compris si elle n’existent pas encore, dès lors qu’il puisse se poser au sol, s’agripper à un mur ou se suspendre au plafond. Ainsi peut-on en trouver dans presque toutes les pièces dès lors qu’elles ne sont pas trop humides : Salon, chambre ou bureau. Au grand dam des locataires en titre parfois, certains spécimens élargissent leur territoire jusqu’à envahir les toilettes.
Ne souriez pas, car tout cela est bien réel, même si ce n’est pas du vécu personnel. Ainsi le bien aimable patron du regretté magasin « Tous les trains » – qui se situait rue de Charenton dans le XIIe et dont j’étais un client fidèle – m’avait-il ainsi conté l’histoire d’un de ces spécimens passionnés qui avait envahi tout le logement familial allant jusqu’à conquérir la pièce où l’on s’adonne généralement plus aux mots-croisés ou aux sudoku qu’au train miniature. Sa moitié, qui ne supportait plus cette déferlante ferromodélistique, avait eu la très mauvaise idée de demander à l’énergumène de choisir entre le train et elle. Mal lui en a pris. Car notre animal, pourtant grégaire génétiquement, a préféré se séparer de l’épouse que de son envahissante collection.
Le modéliste ferroviaire, cet animal particulièrement rusé
Au delà des considérations tridimensionnelles précédemment exposées, le modéliste ferroviaire est un animal doué dans l’art de la dissimulation, en particulier s’il vit en couple. Point n’est question ici d’infidélité, mais plutôt de travestissement. Car l’espèce est énergivore ! Pour assouvir son appétit insatiable, il lui faut généralement beaucoup d’argent. Et toujours bien plus qu’il n’en dispose réellement. C’est pourquoi cette bestiole à l’imagination débordante est-elle en mesure de recourir à des subterfuges parfois surprenants pour camoufler ses dépenses ou tout au moins en limiter officiellement l’incidence sur le budget commun.
Ainsi, alors même que sur un forum notre fauve sera à même de disserter des heures avec ses congénères sur sa dernière proie chèrement acquise au rayon « nouveautés » de son fournisseur habituel, l’animal aura-t-il l’art de présenter son butin à sa moitié comme étant issu d’une longue chasse au rayon « occasions » d’un site bien connu. Une quête forcément de longue date. Forcément ! Une si belle prise sur le marché de la seconde main, c’est rare.
Ainsi le même commerçant m’avait-il relaté les aventures d’un autre spécimen fort doué dans l’art de la supercherie. Ce dernier, toujours avide de nouveaux mets délicats, se présentait à la boutique en semaine, seul, pour préparer le piège tendu à son épouse. Avec son regard aiguisé, la bête ne mettait pas longtemps pour repérer l’objet de sa convoitise et jeter son dévolu sur une belle pièce. Une prise onéreuse de préférence. En fin stratège, et avec la complicité forcément bienveillante du commerçant, l’animal payait alors la moitié de sa future acquisition. Mais s’il revenait bredouille et les mains vides dans le nid familial, c’était pour mieux y retourner quelques jours plus tard à une date et un horaire bien précis, cette fois-ci accompagné de sa chère et tendre, pour parachever sa tactique machiavélique : l’acolyte fournisseur présentant à ce moment précis l’exuvie en vitrine à moitié de son prix, l’animal pouvait alors se jeter sur sa proie, laissant ainsi croire à l’épouse d’une chasse à bon prix. L’histoire ne dit pas si la compagne était aussi crédule qu’elle y laissait paraître.
Et même si tous les individus de l’espèce ne recourent pas à des stratagèmes aussi élaborés pour étendre leur territoire ou accroitre leur braconnage, leurs agissements sont parfois bien déconcertants pour leur épouse ou compagnon.
Ils méritaient bien qu’on leur témoigne de notre amoureuse gratitude pour leurs encouragements et leur soutien bienveillant.
A mon épouse,
Emmanuel
Hommage à celles qui partagent, volontairement ou non, notre passion !
Et bravo Manu pour cette jolie photo des Landes… nous nous rendons chaque été dans une des communes voisines de Léon 🙂
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Très bel hommage bien mérité
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